L’inclusion au temps de la COVID-19

Cette série de blogue nous a donc conduits à la problématique suivante. Selon les études portant sur le système immunitaire comportemental (SIC), la présence du coronavirus pourrait entraîner un plus grand conformisme chez les Québécois accompagné d’une plus grande aversion pour la déviance de la norme. En conséquence, ceci pourrait accentuer l’exclusion de certaines communautés déjà marginalisées et les placer encore plus à risque quant à certaines formes de violences dont l’intimidation chez les enfants. Cela dit, comment pouvons-nous prévenir le coup et éviter que ces communautés souffrent davantage de leur exclusion ? La réponse est simple, mais son application complexe, il s’agit de l’inclusion.

Complexité de l’inclusion

La première difficulté de l’inclusion veut que l’exclusion soit parfois légitime. Pour fonctionner correctement un groupe doit adopter des critères d’inclusion et d’exclusion qui assurent la coopération des membres vers un objectif commun (Abraham & al., 2014; Carron & al., 2012; Tomasello, 2016). Par exemple, pour faire partie d’une équipe sportive, tu dois travailler pour aider ton équipe. Si tu travailles pour aider l’équipe adverse, il est légitime pour ton équipe de vouloir t’exclure. Alors l’inclusion n’est pas toujours légitime.

La deuxième difficulté de l’inclusion provient du fait que l’exclusion est bien souvent irrationnelle. Dans le sens, qu’elle est fondée sur nos sentiments plutôt que sur notre raison. C’était le point de l’ensemble de ces blogues qui souhaitaient montrer que la présence de la COVID-19 pouvait entraîner des sentiments d’aversion influençant nos comportements de solidarité et d’évitement. Pour mieux comprendre le phénomène, parlons des femmes enceintes. Saviez-vous que les femmes deviennent plus xénophobes et ethnocentriques pendant leur premier trimestre de grossesse ? Selon Navarrete & al. (2007), ce premier trimestre est caractérisé par une forte baisse du système immunitaire activant leur système immunitaire comportemental et les rendant beaucoup plus facilement dégoûtées. C’est d’ailleurs ce qui explique leurs nausées fréquentes. Ces chercheurs ont montré que ce sentiment de dégoût se transposerait aussi vers les étrangers les rendant donc plus xénophobes, mais aussi 4 fois plus ethnocentriques. Par contre, plus leur grossesse progresse, moins elles deviennent xénophobes et ethnocentriques jusqu’à retrouver leur niveau normal en fin de grossesse (Navarrete & al., 2007). Il faut donc prendre en compte le fort côté inconscient et viscéral de l’exclusion lorsque l’on considère l’inclusion (Aarøe & al., 2017; Kiss & al., 2020; Navarrete & al., 2007; Vartanian & al., 2016). Il est très difficile de raisonner une personne dégoûtée comme il est très difficile de raisonner une personne effrayée ou enragée, du moins, avant que son état affectif se tempère et qu’elle devienne ainsi plus raisonnable (Haidt & al., 2000).

Pour une inclusion émotionnelle et légitime

Tout d’abord, il faut s’occuper du côté émotif. Tout comme dans la gestion de la colère, la gestion de l’aversion commence par la réalisation de l’aversion (Kugler & al., 2019; Liu & al., 2015). Dans l’étude de Kugler & al. (2019), les participants devaient jouer à un jeu de confiance après avoir regardé une vidéo dégoûtante. Ils ont constaté que plus le participant était dégoûté, moins il faisait confiance aux autres. Cependant, lorsqu’ils prenaient conscience de l’origine de leur dégoût, les effets de la vidéo disparaissaient complètement (Kugler & al., 2019), démontrant ainsi qu’il faut d’abord être conscient de ce qui nous contrôle pour nous contrôler.

Ensuite, il est certain que l’empathie peut jouer un rôle comme il a été démontré à de multiples reprises dans le cas de l’intimidation (Nickerson & al., 2015; Vartanian & al., 2016). Comprendre et ressentir ce que l’autre vit par l’exclusion peut encourager l’inclusion. Cependant, il semble que l’on ne compatirait pas avec n’importe qui et que les personnes pour qui nous éprouvons de l’aversion feraient partie de celles avec lesquelles nous compatissons moins (Sherman & al., 2011).  L’empathie est donc bonne, mais il faut la ressentir !

Au final, il semble que l’un des meilleurs moyens d’assurer une meilleure inclusion et une inclusion légitime consiste en la redéfinition d’un nouveau « nous » comprenant les communautés marginalisées (Lukianoff & al., 2018; Putnam, 2007; Reicher & al., 2016). Il faut donc se trouver une identité sociale commune. Par cette nouvelle identité sociale, l’autre devient plus familier ce qui atténue notre sentiment d’aversion (Hult Khazaie & al., 2019; Reicher & al., 2016) et nous rend plus enclin à lui faire confiance, à coopérer mais aussi à lui venir en aide s’il en a besoin (Haslam & al.,2011; Putnam, 2007; Levine & al., 2005). Heureusement pour nous, dans le sport, il est plutôt facile de se trouver une identité commune. La communion par l’identification à l’équipe grâce à l’uniforme, l’adoption de valeurs et d’objectifs d’équipe, la coopération plutôt que la compétition entre coéquipiers, l’adoption d’un leadership axé sur les besoins de l’équipe, en plus du partage de la victoire et de la défaite peut alors devenir un puissant moteur de cohésion et d’inclusion (Carron & al., 2012; Levine & al., 2005).

C’est d’ailleurs, ce que nous proposons dans notre programme À l’action! Agissons contre l’intimidation en milieu sportif et, plus spécifiquement, dans notre outil Rassembler pour développer la cohésion. De plus, restez au courant de notre prochaine approche Cohaesio qui aura pour but d’intervenir encore plus en profondeur dans la dynamique d’équipe pour développer et optimiser la cohésion et l’inclusion en ciblant les structures de leadership.

Alexandre Baril

Chargé du projet – À l’action! Agissons contre l’intimidation

Références

Aarøe, L., Petersen, M. B., & Arceneaux, K. (2017). The behavioral immune system shapes political intuitions: Why and how individual differences in disgust sensitivity underlie opposition to immigration. American Political Science Review111(2), 277-294.

Abrams, D., & Killen, M. (2014). Social exclusion of children: Developmental origins of prejudice. Journal of Social Issues70(1), 1-11.

Carron, A. V., & Eys, M. A. (2012). Group dynamics in sport. Fitness Information Technology.

Haidt, J., Bjorklund, F., & Murphy, S. (2000). Moral dumbfounding: When intuition finds no reason. Unpublished manuscript, University of Virginia, 191-221.

Haslam, S. A., Reicher, S. D., & Platow, M. J. (2011). The new psychology of leadership: Identity, influence and power. Psychology Press.

Hult Khazaie, D., & Khan, S. S. (2019). Shared social identification in mass gatherings lowers health risk perceptions via lowered disgust. British Journal of Social Psychology.

Kiss, M. J., Morrison, M. A., & Morrison, T. G. (2020). A meta-analytic review of the association between disgust and prejudice toward gay men. Journal of homosexuality67(5), 674-696.

Kugler, T., Ye, B., Motro, D., & Noussair, C. N. (2019). On trust and disgust: Evidence from face reading and virtual reality. Social Psychological and Personality Science, 1948550619856302.

Levine, M., Prosser, A., Evans, D., & Reicher, S. (2005). Identity and emergency intervention: How social group membership and inclusiveness of group boundaries shape helping behavior. Personality and social psychology bulletin31(4), 443-453.

Liu, Y., Lin, W., Xu, P., Zhang, D., & Luo, Y. (2015). Neural basis of disgust perception in racial prejudice. Human brain mapping36(12), 5275-5286.

Lukianoff, G., & Haidt, J. (2018). The coddling of the American mind: How good intentions and bad ideas are setting up a generation for failure. Penguin Books.

Navarrete, C. D., Fessler, D. M., & Eng, S. J. (2007). Elevated ethnocentrism in the first trimester of pregnancy. Evolution and Human Behavior28(1), 60-65

Nickerson, A. B., Aloe, A. M., & Werth, J. M. (2015). The relation of empathy and defending in bullying: A meta-analytic investigation. School Psychology Review44(4), 372-390.

Putnam, R. D. (2007). E pluribus unum: Diversity and community in the twenty‐first century the 2006 Johan Skytte Prize Lecture. Scandinavian political studies30(2), 137-174.

Reicher, S. D., Templeton, A., Neville, F., Ferrari, L., & Drury, J. (2016). Core disgust is attenuated by ingroup relations. Proceedings of the National Academy of Sciences113(10), 2631-2635.

Sherman, G. D., & Haidt, J. (2011). Cuteness and disgust: The humanizing and dehumanizing effects of emotion. Emotion Review3(3), 245-251.

Tomasello, M. (2016). A natural history of human morality. Harvard University Press.

Vartanian, L. R., Trewartha, T., & Vanman, E. J. (2016). Disgust predicts prejudice and discrimination toward individuals with obesity. Journal of Applied Social Psychology46(6), 369-375.

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