L’évitement au temps de la COVID-19

J’aimerais amorcer cette série de quatre blogues par une anecdote bien personnelle. Ceux qui me connaissent savent que pour moi, il n’y a rien de mieux qu’une bonne vielle poignée de main pour entamer une rencontre amicale ou professionnelle. Cela dit, j’écoutais récemment une série dans laquelle le personnage principal se promenait dans une foule et serait la main à qui le voulait bien. Je me suis alors surpris à éprouver un fort sentiment d’aversion en me disant : « C’est complètement fou de toucher autant de personnes ».  Je n’avais jamais eu cette réflexion avant et pourtant, aujourd’hui à l’heure de la COVID-19, je suis maintenant pris d’un dégoût instinctif envers ce genre de comportement.

Malgré tout, comme nombre d’entre nous je suis aussi animé par le désir de plus en plus fort de voir ma famille, mes amis et mes collègues. Qui plus est, je constate que les québécois semblent davantage solidaires alors que le #çavabienaller est sans doute devenu l’emblème le plus marquant en cette période singulière. Suite à ces constations, j’avais de la difficulté à m’expliquer comment on peut être à la fois dégoûté par l’autre et éprouver parallèlement le désir de s’en rapprocher.  Ce pourquoi j’ai tenté d’anticiper et comprendre l’impact de la COVID-19 sur nos relations.

Système immunitaire comportemental (SIC)

J’ai donc entamé une recherche extensive pour essayer de comprendre le phénomène. Je suis alors tombé sur la littérature scientifique abordant le système immunitaire comportemental (SIC). Ce système regroupe l’ensemble des mécanismes permettant de détecter la présence de pathogènes et de faciliter l’évitement de ces derniers avant qu’ils n’entrent en contact avec le corps et sollicitent l’action du système immunitaire (Schaller & al., 2011). Ce système complexe impliquerait un mélange d’anxiété, de perception de vulnérabilité aux maladies et de sensibilité au dégoût (Ackerman & al., 2018).

Il s’agit en gros du système qui fait en sorte que quand vous marchez dans la rue et que vous voyez des matières fécales, vous avez un sentiment répulsif qui vous amène immanquablement à vouloir passer à côté. Et si vous avez eu le malheur d’y avoir mis les pieds, c’est cette même réaction qui enclenche l’urgence que vous ressentez d’essuyer ou de laver vos chaussures pour vous en détacher.

L’évitement dans les relations

On comprend très bien l’importance d’éviter le contact avec les matières fécales, sachant qu’elles peuvent transmettre des maladies. Mais bien souvent les autres humains peuvent aussi nous en transmettre comme c’est le cas avec la COVID-19. Est-ce que le SIC est impliqué dans ce cas-ci aussi ? Il appert bien que oui.

Plusieurs études ont indiqué qu’en activant le SIC par une présentation traitant des 10 choses les plus dégoûtantes, ou encore, abordant le thème de la transmission de maladies, les gens deviennent moins extravertis, moins ouverts à de nouvelles expériences (Mortensen & al., 2010) et feraient moins confiance aux autres (Kugler & al., 2019). Ils seraient aussi moins intéressés au niveau romantique et moins attirés par les belles personnes (Sawada & al., 2018). Finalement, ils seraient moins enclins à entrer en contact avec des immigrants et auraient des attitudes xénophobes plus fortes (Aarøe & al., 2017). Ces résultats sont liés au fait qu’une maladie très saillante comme la COVID-19 entraînerait un sentiment de plus grande vulnérabilité à la maladie ainsi qu’une plus grande sensibilité au dégoût qui, ultimement, provoquerait l’évitement des autres.

En dépit de ces démonstrations, comment s’expliquer le désir de se rapprocher des nôtres et cette montée soudaine de la solidarité ? Il semblerait que ce soit une réaction sélective en lien avec le fait que ce sont « les nôtres » en opposition « aux autres ». Mais cette distinction entre les nôtres et les autres ne risque-t-elle pas d’entraîner de la xénophobie ? Et si c’était le cas, que faire alors ?

L’ensemble de ces questions seront abordées dans nos prochains blogues.  À suivre…

Alexandre Baril

Chargé du projet – À l’action! Agissons contre l’intimidation

Références

Aarøe, L., Petersen, M. B., & Arceneaux, K. (2017). The behavioral immune system shapes political intuitions: Why and how individual differences in disgust sensitivity underlie opposition to immigration. American Political Science Review111(2), 277-294.

Ackerman, J. M., Hill, S. E., & Murray, D. R. (2018). The behavioral immune system: Current concerns and future directions. Social and Personality Psychology Compass12(2), e12371.

Kugler, T., Ye, B., Motro, D., & Noussair, C. N. (2019). On trust and disgust: Evidence from face reading and virtual reality. Social Psychological and Personality Science, 1948550619856302

Mortensen, C. R., Becker, D. V., Ackerman, J. M., Neuberg, S. L., & Kenrick, D. T. (2010). Infection breeds reticence: The effects of disease salience on self-perceptions of personality and behavioral avoidance tendencies. Psychological Science21(3), 440-447.

Sawada, N., Auger, E., & Lydon, J. E. (2018). Activation of the behavioral immune system: Putting the brakes on affiliation. Personality and Social Psychology Bulletin44(2), 224-237.

Schaller, M., & Park, J. H. (2011). The behavioral immune system (and why it matters). Current directions in psychological science20(2), 99-103.

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