Exercice physique et système immunitaire : trop c’est comme pas assez

En cette période de confinement, il est important, autant pour notre santé physique que psychologique, de nous garder occupés et actifs, et ainsi de notamment continuer à pratiquer des activités physiques. C’est d’autant plus essentiel surtout que l’on sait que l’exercice est un stimulant considérable pour la production de plusieurs neurotransmetteurs (endorphines, dopamine et sérotonine) dans le cerveau qui contribuent à notre bien-être. Ceci permet d’aider à la gestion du stress dans une période comme celle que nous traversons présentement. Qui plus est, la pratique régulière d’activité physique est très bénéfique pour le corps, en plus d’améliorer la santé, d’augmenter la surveillance immunitaire et de diminuer les risques de maladies [10; 14].

Autrement, l’activité physique régulière est fortement reliée à une diminution de la fréquence des infections des voies respiratoires supérieures (IVRS), ainsi que de la sévérité/durée de la symptomatologie [9; 10; 12; 14]. Cependant, si on dépasse un certain niveau d’intensité soutenu et prolongé (charge d’entraînement), cet effet pourrait s’annuler, voire s’inverser [2; 10; 13; 14; 15]. Ceci serait particulièrement le cas pour ce qui est des IVRS. Ces infections peuvent être causées par plus de 200 virus, principalement les rhinovirus et les coronavirus, dont la grande majorité sont bénins. Puisque le COVID-19 est l’un de ceux-ci, il est actuellement d’intérêt général de survoler l’information fournie par les scientifiques qui ont investigués cette problématique.

Le chercheur David Nieman, dont l’expertise repose sur ces problématiques, a proposé un modèle de courbe en forme de « J » (fig. 1) pour expliquer la relation entre l’intensité de l’exercice et les risques d’IVRS. Ce modèle suggère que la pratique modérée et régulière d’activité physique peut diminuer le risque d’IVRS, tandis qu’une charge d’entraînement trop intense et prolongée pourrait plutôt en augmenter le risque [7; 8].

Figure 1 [7]

Qu’est-ce qui explique cette courbe ?

Durant l’exercice physique, on remarque une redistribution des immunoglobulines/leucocytes (globules blancs) dans le système sanguin. Les leucocytes se détachent de l’endroit où ils étaient localisés pour pouvoir répondre à la demande des muscles et de leur inflammation pendant l’exercice [7; 8; 10; 14]. On remarque aussi que la pratique régulière d’exercice physique modéré est associée à une diminution de 20 à 46 % des risques d’IVRS chez ces personnes comparativement à un individu sédentaire [5; 9; 10; 14].

Cependant, un effort trop intense et prolongé (phase d’épuisement) peut causer de nombreux changements immunitaires possiblement reliés au stress physiologique et à d’autres facteurs. Cette immunodépression pourrait notamment s’expliquer par une diminution du nombre de leucocytes neutrophiles disponibles dans le sang et une inhibition du fonctionnement des cellules NK (“cellules tueuses”) et les cellules B et T, qui sont des anticorps qui réagissent aux attaques virales et infections. Il en serait de même pour les anticorps (immunoglobulines A) présents dans les muqueuses nasales et salivaires, quoiqu’une revue de littérature récente montre que le lien entre l’exercice et les changements de concentration d’immunoglobuline A reste à démontrer [4].

Pendant cette période d’immunodépression qui peut être considérée comme une « fenêtre ouverte », le corps peut être plus vulnérable est plus susceptible d’être envahi par des micro-organismes qui passeraient plus aisément ces premières lignes de défenses [12]. Cette relation est démontrée dans la plupart des études menées sur le sujet [6; 7; 10; 14] avec quelques exceptions, ce qui nous amène à tout de même être prudents avec les résultats [10]. Surtout que des données semblent appuyer l’hypothèse que chez les athlètes élites, présentant un niveau de forme physique très élevé, la courbe de l’association entre l’intensité de l’exercice physique et les risques d’IVRS a tendance à s’aplatir, pour utiliser une expression à la mode ces jours-ci (fig. 2) [6;9]. Il reste que certains chercheurs continuent à mettre en doute ces conclusions puisqu’il reste encore beaucoup de travail à faire afin d’identifier clairement si c’est l’exercice ou d’autre variables confondantes qui expliqueraient ces résultats, et qu’avec les nouvelles méthodes et technologies en immunologie, les recherches futures apporteront plus de réponses à nos questions [10; 14].

Figure 2 [6;9]

En conclusion, si vous adoptez une charge élevée ou prolongée d’entraînement (ex. : 20-30 heures par semaine ; intensité élevée sur plus de 90 minutes continues; etc.), pensez à en modérer la fréquence afin de permettre au système immunitaire de récupérer entre chaque entraînement ou de tout simplement modérer l’activité en question pour continuer d’en faire régulièrement à un niveau moins intense afin de bénéficier des bienfaits sur le système immunitaire et la santé en générale. Plusieurs études laissent croire aussi qu’une saine alimentation équilibrée, la prise de suppléments alimentaires (ex. : vitamine C, glutamine et en particulier les aliments riches en carbohydrates comme la banane, etc.), l’intégration de périodes de récupération adaptées entre les périodes d’entraînement, ainsi qu’une bonne éthique de sommeil peuvent contrecarrer les effets d’immunosuppression associés à l’exercice physique prolongé et intense [1; 3; 8; 10; 11; 14]. Il a aussi été démontré que la pratique d’activité physique régulière et modérée pouvait limiter le déclin des fonctions immunitaires chez les personnes âgées [10].

En somme, il importe de garder à l’esprit que la pratique d’exercice physique de façon modérée, est très bénéfique pour toute la population et que ses avantages outrepassent ses dangers, mais il faut se méfier des abus. Et si vous devez garder une charge d’entraînement très élevée ou prolongée, pour ne pas perdre la forme pendant ce confinement, tentez à tout le moins de respecter la distanciation sociale !

Patrick Vachon, Ph.D.

Agent de développement

Sport’Aide

Références

  1. Drew, M., Vlahovich, N., Hugues, D., Appaneal, R., Burke, L.M., Rogers, M. et al. (2018). Prevalence of illness, poor mental health and sleep quality and low energy availability prior to the 2016 Summer Olympic Games. British Journal of Sports Medicine, 52(1), 47-53. https://doi.org/10.1136/bjsports-2017-098208
  2. Gomez-Merino, D., Drogou, C., Chennaoui, M., Tiollier, E., Mathieu, J., Guezennec, C.Y. (2005). Effects of combined stress during intense training on cellular immunity, hormones and respiratory infections. Neuroimmunodalation, 12, 164-172.
  3. Halson, S.L. (2008). Nutrition, sleep and recovery. European Journal of Sport Science, 8(2), 119-126.
  4. Martin, S.A., Pence, B.D., & Woods, J.A. (2009). Exercise and respiratory tract viral infections. Exerc Sport Sci, 37 (4), 157-164.
  5. Matthews, C.E., Ockene, I.S., Freedson, P.S., Rosal, M.C., Merriam, P.A., & Hebert, J.R. (2002). Moderate to vigorous physical activity and risk of upper-respiratory tract infection. Medecine & Science in Sport & Exercise, 34, 1242-4248.
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  7. Nieman, D.C. (1997). Risk of upper respiratory tract infection in athletes: an epidemiologic and immunologic perspective. Journal of Athletic Training, 32 (4), 344-349.
  8. Nieman, D.C. (1998). Exercise and resistance to infection. Can J. Physiol. , 76, 573-580.
  9. Nieman, D.C., Henson, D.A., Austin, M.D., & Sha, W. (2010). Upper respiratory tract infection is reduced in physically fit and active adults. Br J Sports Med, doi:10.1136/bjsm.2010.077875.
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  13. Peters, E.M. & Bateman, E.D. (1983). Ultramarathon running and upper respiratory tract infections. An epidemiological survey. SA Medical Journal, 64, 582-584.
  14. Simpson, R.J., Campbell, J.P., Gleeson, M., Krüger, K., Nieman, D.C., Pyne, D.B., Turner, J.E., & Walsh, N.P. (2020). Can exercise affect immune function to increase susceptibility to infection? Exercise Immunology Review, 26, 8-22. ISSN 1077-5552.
  15. Tollier, E., Gomez-Merino, D., Burnat, P., Jouanin, J.-C., Bourrilhon, C., Filaire, E., Guezennec, C.Y., & Chennaoui, M. (2005). Intense training : mucosal immunity and incidence of respiratory infections. Eur J Appl Physiol, 93, 421-428.
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