Dans notre plus récent blogue, nous avons discuté du fait que la présence d’une maladie comme le COVID-19 pouvait entraîner l’évitement des autres. À l’inverse, nous ne comprenions pas pourquoi nous avons malgré tout toujours envie de voir nos proches. Bien sûr, il y a le fait que l’on s’ennuie d’eux, mais avouez qu’ils ont autant de chances que les autres de nous transmettre la maladie et même plus. Comme l’a mentionné le bon Dr. Arruda, la plupart des cas se transmettent par la famille. Ne serait-il alors pas plus logique de les éviter comme la peste ? Cette idée nous semble plutôt farfelue et ceci n’est pas sans raisons. Conjugué à l’ennui, le système immunitaire comportemental (SIC) aurait un rôle à jouer pour expliquer le phénomène.
Le SIC et le conformisme
L’activation du SIC aurait deux conséquences sociales. La première serait une plus grande aversion pour les personnes ne nous étant pas familières ainsi qu’un renforcement de la cohésion auprès de celles qui nous le sont (Ackerman & al., 2018).
Il est possible d’observer cette tendance du point de vue des pays en termes de conformisme et de déviance de la norme. Les personnes vivant dans des pays ayant connu une forte prévalence de pathogènes sont moins ouvertes aux nouvelles expériences (Schaller & al., 2008). Ces pays auraient aussi des valeurs impliquant moins de liberté sexuelle (Schaller & al., 2008), plus de conformisme et moins d’ouverture au fait de dévier de la tradition (Fincher & al., 2008). Finalement, la présence de pathogènes prédirait fortement la présence d’un gouvernement autoritaire au pouvoir (Murray & al., 2013). C’est-à dire un gouvernement axé sur l’adhésion aux valeurs conventionnelles, la répression de la dissidence et la dévotion à l’ordre et la hiérarchie (Murray & al., 2013).
La présence de pathogènes nous pousserait donc à nous conformer aux normes et à éviter de dévier de la norme, mais pourquoi ?
Les normes et les pathogènes
Plusieurs normes traditionnelles sont liées à la prévention des maladies dont celles en regard à l’hygiène corporelle, l’alimentation et la sexualité (Karinen & al., 2019). Même le système de caste qui comprend la caste des intouchables en Inde aurait une origine épidémiologique en lien avec la propagation de pathogènes (McNeil, 1976). En présence de la maladie, nous sommes donc intuitivement poussés à retourner vers nos normes traditionnelles par une aversion à la déviance puisqu’elle serait synonyme d’une plus grande probabilité de contamination (Karinen & al., 2019; Schaller, 2014). L’augmentation du conformisme et du consensus autour des normes solidifierait l’identification sociale au groupe et augmenterait ainsi la cohésion par la facilitation de la coopération, l’augmentation de la confiance entre les membres du groupe et la facilitation à se regrouper derrière un leader (Fincher & al., 2008; Haslam & al., 2011).
Il s’agit d’ailleurs de ce que l’on observe aujourd’hui avec les québécois et notre premier ministre, M. François Legault, et il s’agit aussi de la raison pour laquelle nous ne sommes pas méfiants envers nos proches. Leur familiarité tromperait notre SIC (Aarøe & al., 2017; Hult Khazaie & al., 2019; Reicher & al., 2016) et nous amènerait à baisser notre garde pour laisser tout l’espace au désir de contact occasionné par l’ennui.
À la suite de nos deux premiers blogues, nous pouvons maintenant mieux comprendre la dynamique opposant le rapprochement et la distanciation occasionnée par la familiarité en temps de pandémie. Par contre, si nous avons constaté que le conformisme peut avoir plusieurs bienfaits en temps de crise, il y a tout un côté négatif issu d’une trop grande rigidité dans les normes sociales.
C’est pourquoi notre prochain blogue abordera les conséquences possibles de ce type de changement social alors que le dernier complètera cette série en présentant des solutions envisageables. À suivre…
Alexandre Baril
Chargé du projet – À l’action! Agissons contre l’intimidation
Références
Aarøe, L., Petersen, M. B., & Arceneaux, K. (2017). The behavioral immune system shapes political intuitions: Why and how individual differences in disgust sensitivity underlie opposition to immigration. American Political Science Review, 111(2), 277-294.
Ackerman, J. M., Hill, S. E., & Murray, D. R. (2018). The behavioral immune system: Current concerns and future directions. Social and Personality Psychology Compass, 12(2), e12371.
Fincher, C. L., Thornhill, R., Murray, D. R., & Schaller, M. (2008). Pathogen prevalence predicts human cross-cultural variability in individualism/collectivism. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, 275(1640), 1279-1285.
Haslam, S. A., Reicher, S. D., & Platow, M. J. (2011). The new psychology of leadership: Identity, influence and power. Psychology Press.
Hult Khazaie, D., & Khan, S. S. (2019). Shared social identification in mass gatherings lowers health risk perceptions via lowered disgust. British Journal of Social Psychology.
Karinen, A. K., Molho, C., Kupfer, T. R., & Tybur, J. M. (2019). Disgust sensitivity and opposition to immigration: Does contact avoidance or resistance to foreign norms explain the relationship?. Journal of Experimental Social Psychology, 84, 103817
McNeill, W. H. (1998). Plagues and peoples. Anchor.
Murray, D. R., Schaller, M., & Suedfeld, P. (2013). Pathogens and politics: Further evidence that parasite prevalence predicts authoritarianism. PloS One, 8(5)
Reicher, S. D., Templeton, A., Neville, F., Ferrari, L., & Drury, J. (2016). Core disgust is attenuated by ingroup relations. Proceedings of the National Academy of Sciences, 113(10), 2631-2635.
Schaller, M. (2014). When and how disgust is and is not implicated in the behavioral immune system. Evolutionary Behavioral Sciences, 8(4), 251.
Schaller, M., & Murray, D. R. (2008). Pathogens, personality, and culture: Disease prevalence predicts worldwide variability in sociosexuality, extraversion, and openness to experience. Journal of personality and social psychology, 95(1), 212