Suis-je rendu.e à porter plainte?

Le présent blogue, deuxième d’une série de deux, trouve son origine dans l’implantation de la Politique de protection de l’intégrité en milieux sportifs  lancée le 1er février 2021.  Après plus d’un an d’existence, l’équipe de Sport’Aide jugeait pertinent d’aborder les réactions et les comportements des diverses parties prenantes en lien avec l’instauration de cet outil mis à la disposition de la communauté sportive québécoise.

Voici une histoire fictive inspirée de témoignages véridiques.

Cela fait déjà un bon moment que j’y réfléchis. Des semaines devenues des mois que je subis et que j’endure les comportements d’une personne dans mon entourage sportif. Au début, je tentais de ne pas trop m’en faire avec ses commentaires désobligeants. L’absence de réaction de mes coéquipiers à ceux-ci, outre le rire souvent malaisé de certains, me confirmait que ce n’est pas la première fois que le capitaine de l’équipe avait ce type de commentaires/blagues inappropriés.

Comme je suis nouveau dans cet environnement, je me disais qu’il fallait me laisser un peu de temps pour comprendre la culture de l’équipe, leur façon de faire et y faire ma place. Cependant, les semaines passent et rien ne change. Au contraire, plus la saison avance, plus le capitaine prend ses aises et maintient ses commentaires péjoratifs et blessants à mon égard. J’ai bien essayé d’en parler à certains membres de l’équipe. Comme ils semblent s’être habitués aux façons d’agir de notre capitaine, bien qu’individuellement parlant ils n’approuvent pas ce type de comportements, j’ai l’impression qu’ils préfèrent ne pas trop faire de vagues avec ça, de peur de devenir le prochain bouc émissaire. Ces derniers préfèrent rester silencieux, par peur de devenir à leur tour la cible principale de ses commentaires. En revanche, d’autres m’encouragent à m’affirmer davantage auprès de lui, puisqu’après tout, c’est avec lui que j’ai un problème.

J’ai alors fini par prendre mon courage à deux mains et choisir un moment adéquat pour lui déballer mon sac… enfin, j’ai essayé. J’ai même réussi à mettre des mots sur ce qu’il me fait vivre actuellement en lui parlant de harcèlement et de violence psychologique qui n’ont pas leur place dans une équipe sportive. Cependant, par sa réaction sous-entendant que j’exagérais, qu’il ne s’agissait que de blagues et que je devais éviter de tout prendre au pied de la lettre, il m’a finalement conseillé de ne pas en faire un plat et d’en revenir.

Ouf… ça m’a vite donné l’impression qu’il n’avait rien compris ou qu’il ne voulait rien comprendre. Il ne semble pas saisir à quel point ça peut être difficile de faire sa place dans une équipe quand un des « leaders » est toujours sur ton dos et ne semble pas être conscient de l’impact de ses commentaires sur son entourage et le climat de l’équipe. Pas plus qu’il ne réalisait jusqu’à quel point ses « blagues » affectent ma confiance et m’amènent pour la première fois de ma vie à envisager d’abandonner le sport que j’aime tant, lequel était jusqu’à tout récemment encore ma raison de vivre.

Après cette conversation infructueuse, j’ai dû me rendre à l’évidence, il n’a pas saisi le message et rien n’a changé. Oui, on m’a conseillé d’en parler à l’entraineur pour qu’il puisse intervenir, mais je n’ai malheureusement pas confiance. La famille du capitaine étant très proche de celle de mon entraineur, j’ai l’impression que ce dernier n’osera pas intervenir auprès de son capitaine en raison de cette relation.

D’autant plus que l’entraineur est un peu du style « old school ». Comment pourrait-il gérer la situation? Aussi, comme je n’ai pas beaucoup de temps de jeu, j’ai peur d’en être encore davantage privé s’il me perçoit comme un fauteur de trouble s’en prenant au meilleur marqueur de l’équipe. Bref, je sais que je devrais lui en parler, mais je n’ai tout simplement pas confiance en lui actuellement.

J’ai songé à en parler à mes parents, mais j’ai décidé d’y renoncer en les voyants déjà débordé de préoccupations concernant mon petit frère et leur travail, d’autant plus que, les connaissant, ils auraient possiblement débarqué dans le bureau de l’entraineur dans tous leurs états risquant d’envenimer encore plus la situation. Je me suis donc confié à mon cousin plus vieux qui est aussi coach dans une autre région. Celui-ci me parle de Sport’Aide ainsi que de la nouvelle Politique de protection de l’intégrité, puisqu’il a justement assisté à une présentation organisée récemment par la fédération. Ayant l’impression de ne plus avoir grand-chose à perdre, j’ai décidé de les appeler. J’ai pu prendre tout le temps dont j’avais besoin pour expliquer mon problème et ma situation. Ma discussion avec l’intervenant m’a permis de valider que les commentaires blessants et répétitifs que j’endurais depuis un long moment n’ont pas leur place et s’inscrivent effectivement dans une dynamique d’intimidation et de violence psychologique. Cette discussion m’a fait réaliser que j’avais déjà tenté certaines approches dites informelles pour faire cesser la situation, mais sans succès. L’intervenant respectait aussi le fait que je ne me sente pas en confiance d’aborder le problème avec l’entraineur. Sans me mettre de pression pour porter plainte officiellement, il m’a dit que c’était une possibilité, tout en m’expliquant ce qui se passerait si je décidais de porter plainte à l’Officier indépendant aux plaintes, versus l’entraineur ou même la direction du club. Bref, il m’a aidé à peser les pours et les contres des différentes options qui s’offrent à moi dans le but ultime de faire cesser les gestes de violence psychologique que je subis. C’est ainsi que j’ai décidé, en réalisant que cela devait cesser, que je devais penser à moi, à ma santé psychologique. Somme toute, je n’ai plus rien à perdre à tenter le coup, puisque je ne suis vraiment pas prêt à abandonner mon sport et mon parcours.

De plus, j’ai été rassuré de savoir que je pourrais obtenir le soutien du même intervenant tout au long des quelques semaines que dureront potentiellement le processus du traitement de plainte. Je sais maintenant que je ne suis pas seul à vivre une situation similaire et surtout que je n’ai plus à endurer ce genre de comportements.

Je le fais pour moi et pour tous les autres qui auront à côtoyer notre capitaine dans le futur, puisque clairement il ne comprend pas les torts que ses paroles ont sur les autres actuellement. Je le fais aussi parce que j’ai plus confiance envers le processus de plainte de la politique d’intégrité. Grâce à ce processus, j’aurai l’occasion d’être réellement entendu par des personnes neutres qui ne seront pas influencées parce que l’autre personne est le capitaine et la coqueluche du club.  Je le fais parce que selon ma situation, mes besoins et mes attentes, je suis rendu à porter plainte officiellement pour que les choses changent.

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* Officier aux plaintes : Étant complètement indépendant des organisations sportives, son rôle est de recevoir les plaintes d’abus, de harcèlement, de négligence ou de violence en vertu de la politique d’intégrité. Aussi, il voit à offrir son soutien au plaignant et à juger de la recevabilité de la plainte.

* Comité de l’intégrité : Composé de 3 personnes indépendantes sélectionnées par l’Officier aux plaintes, son rôle est de procéder au traitement de la plainte via une procédure d’audition indépendante et impartiale et d’offrir ses conclusions et recommandations sur la situation.

À propos : Sport’Aide a un rôle d’assistance et de support vis-à-vis les personnes qui vivent des situations problématiques dans leur environnement sportif et ceux et celles qui utilisent la plateforme et le mécanisme de Je porte plainte. Les plaintes rapportées sur cette plateforme ne sont pas acheminées ou traitées par Sport’Aide, ce rôle revenant à l’Officier aux plaintes qui se trouve à être totalement indépendant de Sport’Aide.

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