Culture sportive et intimidation sur le poids et l’apparence (2e partie)

Dans le cadre de la semaine Le poids ? Sans commentaire! Sport’Aide a collaboré sur plusieurs projets avec l’organisme ÉquiLibre pour pouvoir mieux prévenir et contrer l’intimidation à l’égard du poids et l’apparence. La présente série de trois blogues portant sur l’intimidation et le poids s’inscrit dans cette lignée et aura pour but d’expliquer le phénomène et de dégager des pistes d’action pour s’attaquer à cette problématique.

Dans le premier blogue, nous avons pu comprendre que l’intimidation est un phénomène de groupe par lequel un leader négatif va attaquer un jeune marginalisé. Nous avons aussi compris qu’il s’agit d’un phénomène prévalent alors que 64 % des adolescents de 14-18 ans rapportaient avoir été victimisés sur leur poids (Puhl & al., 2013). Au-delà de l’ensemble des raisons abordées dans le premier blogue qui peuvent expliquer une telle prévalence, dans le contexte sportif, la culture sportive peut être parfois bien malsaine à cet égard.

Le corps idéal

Certains sports, à raison comme bien souvent à tort, imposent un corps idéal à leur athlète dans une optique de performance ou d’esthétisme (Parent & al., 2018). Je vais prendre le temps d’aborder ce concept ou ce mythe du corps idéal sur quelques lignes pour être certains qu’on se comprenne bien. Il est vrai que dans certains sports comme la natation, la course ou la gymnastique, certains corps sont avantagés au niveau de la performance. Cependant, il faut faire attention, car certains athlètes ont réussi à performer à très haut niveau alors qu’ils avaient des corps « atypiques » selon les idéaux de leur sport. On parle de Moggsy Bogues en basketball, Serena Williams en tennis, Usain Bolt en sprint, Simone Biles en gymnastique et bien d’autres. L’ensemble de ces personnes se sont fait dire : « tu es trop petit, trop grand, trop carré… » Pourtant, leur différence a fait leur force. Il faut donc faire attention aux jugements hâtifs pour ne pas détruire ce qui rend nos athlètes spéciaux et uniques. Cela dit, si vous pensez qu’une intervention sur le poids est nécessaire, assurez-vous d’aller chercher de l’aide auprès de professionnels ou de contacter Sport’Aide ou ÉquiLibre pour être certains que l’intervention est adéquate. Sur notre ligne d’écoute, on entend encore des histoires d’horreur alors que des entraîneurs pèsent leurs athlètes devant les autres ou les humilie à cause de leur poids. Alors, s’il vous plaît, demandez de l’aide…

À ce sujet, il faut aussi comprendre que lorsque l’on parle de performance, on parle du niveau élite. On parle d’un niveau où la performance prend une place plus importante. Par contre, lorsqu’on est au niveau récréatif, peut-on simplement prendre plaisir à pratiquer notre sport? En plus, ce débat sur le poids et la performance, contribue à la stigmatisation et encourage l’intimidation à cet égard (Parent & al., 2018). Une étude américaine montrait même que 42 % des jeunes victimes d’intimidation à l’égard de leur poids affirmaient avoir aussi été intimidés par leur enseignant d’éducation physique ou leur entraîneur (Puhl & al., 2013).

Dégoût, abandon et troubles alimentaires

Ce n’est pas drôle quand les personnes qui sont censées t’aider à prendre goût au sport sont celles qui t’en dégoûtent. Car oui certaines personnes restent dégoûtées par le sport à cause de leur stigmatisation (Billet & al., 2011). Voici d’ailleurs un jeune qui s’exprime sur le sujet alors qu’il a vécu de l’intimidation, de l’exclusion et de la stigmatisation répétée en contexte sportif. On peut constater tout le ressentiment qu’il entretient aujourd’hui pour la culture sportive.

« J’ai été dégoûté en fait par le sport, parce que quand je voyais les gamins de 10 ans qui finissent de jouer au sport et qui racontent à leur maman : “Oh! j’ai marqué un but!”, ça me donne à moitié envie de vomir, quoi. » (Billet & al., 2011, p. 51)

Heureusement, au Québec, nos enseignants ont une formation étoffée qui s’assure de limiter certains comportements négatifs. Cependant, nous avons tout de même de la difficulté à garder nos jeunes en action parfois à cause d’expériences similaires (Billet & al., 2011). D’ailleurs, bien des jeunes filles sont freinées à pratiquer des activités physiques à cause de cette culture qui leur transmet une obsession pour la minceur et leur fait craindre le regard des autres (Association canadienne pour l’avancement des femmes, du sport et de l’activité physique, 1995). Il faut d’ailleurs prendre en considération que cette culture est aujourd’hui intensifiée par l’avènement des médias sociaux, qui sont un entrainement à la crainte du regard des autres et qui encre encore plus l’obsession de la minceur à cause de leurs nombreux filtres servant à masquer la vie ordinaire (Twenge, 2017). Sur ce sujet, l’article d’Arata (2016) est très frappant.

Tout ceci a finalement comme conséquence de précipiter certains jeunes dans des comportements nocifs pour leur santé. On sait par la recherche que c’est souvent cette pression à avoir le corps idéal qui pousse les athlètes à adopter des comportements tels que le surentrainement, les diètes excessives et les pertes de poids extrêmes comme en sport de combat (Parent & al., 2018). Cette culture serait même liée aux risques de développer certains troubles alimentaires comme l’anorexie, la boulimie ou la bigorexie (Parent & al., 2018). Par ailleurs, si vous ne savez pas ce qu’est la bigorexie, je vous invite à consulter le blogue que nous avons écrit Bigorexie : quand le sport devient une addiction.

En conclusion, comme nous avons pu le voir dans le premier blogue, une partie de la problématique de l’intimidation à l’égard du poids et de l’apparence provient des valeurs et des normes développées par la dynamique de groupe. Toutefois ces valeurs proviennent souvent du contexte dans lequel les groupes sont imbriqués. Il n’est donc pas surprenant de constater que la problématique est bien présente en contexte sportif comme la culture sportive accorde tant de valeur au corps idéal. Cela dit, qu’est-ce qu’on peut faire pour changer les choses et répondre à cette problématique?

Restez à l’affut de notre prochain et dernier blogue qui abordera les solutions envisageables pour les intervenants en sports et en loisirs.

Alexandre Baril
Chargé du projet À l’action! Agissons contre l’intimidation

En collaboration avec

Karah Stanworth-Belleville, Cheffe de projet chez ÉquiLibre

Références
Arata, E. (2016) The Unexpected Reason Snachat’s “Pretty” Filters Hurt Your Self Esteem. Repéré à https://www.elitedaily.com/wellness/snapchat-filters-self-esteem/1570236.

Association canadienne pour l’avancement des femmes, du sport et de l’activité physique. (1995). À chances égales : les adolescentes, le tabac et l’activité physique. Ottawa. 68 pages.

Billet, E. & Debarbieux, E. (2011). Le sport : un modèle de pratique anti-éthique. Repéré à https://rm.coe.int/ethique-et-sport-en-europe/1680736949.

Puhl, R. M., Peterson, J. L., & Luedicke, J. (2013). Weight-based victimization: Bullying experiences of weight loss treatment–seeking youth. Pediatrics, 131(1), e1-e9.

Parent, S. & Fortier, K. (2018). Chapitre 8 : La violence envers les athlètes en contexte sportif. Repéré à https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2380_chapitre-8.pdf.

Twenge, J. M. (2017). IGen: Why today’s super-connected kids are growing up less rebellious, more tolerant, less happy–and completely unprepared for adulthood–and what that means for the rest of us. Simon and Schuster.

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