La défaite de l’équipe canadienne en quarts de finale au plus récent championnat du monde de hockey junior a de nouveau démontré que les médias sociaux peuvent malheureusement être utilisés à mauvais escient, nous rappelant ainsi que la problématique de la cyberintimidation n’a fait que croître de façon exponentielle durant la dernière décennie (Smith & Berkkun, 2017). Rappelons qu’à la suite de son tir de pénalité raté en prolongation contre la Finlande, le jeune Maxime Comtois a été convié à une séance de cyberintimidation dans les « plus grandes » règles de l’art. Un bien triste épisode qui n’était pas sans rappeler ce qu’avait aussi vécu la patineuse de vitesse québécoise Kim Boutin lors des derniers JO d’hiver à Pyeongchang.
Cela dit, quelles sont les particularités associées à la cyberintimidation ou la cyberhaine versus celles liées à l’intimidation dite traditionnelle ? Les causes sont-elles les mêmes ? Quelles en sont les conséquences ? Et surtout comment prévenir et contrer cette problématique ? Etc. Autant de questions qui nous ont amenés à vous proposer nos deux prochains blogues qui nous permettront, souhaitons-le, de démystifier ce phénomène. Ce premier texte visera d’abord à mieux discerner la problématique spécifique ainsi que les conséquences qui en découlent pour les victimes. Le second s’attardera aux causes et pistes de solutions.
Cyberintimidation ou cyberhaine
Tout d’abord, il faut faire attention à la définition que l’on donne au terme cyberintimidation. Celle vécue par Comtois et Boutin et celle survenant entre pairs à l’école ou dans le sport local sont deux phénomènes différents, bien que tous deux inadmissibles. Souvent, la cyberintimidation entre pairs « n’est que » l’extension électronique de l’intimidation traditionnelle (Gini, Card & Pozzoli, 2018). Cependant, les récents détracteurs de Comtois n’avaient aucune relation avec lui autre que celle facilitée par le web. Contrairement à la cyberintimidation entre pairs, ce que le jeune capitaine canadien a vécu prend racine ailleurs que dans la relation réelle entre deux personnes. Certains auteurs parlent alors de cyberhaine (Blaya, 2018). Néanmoins, les nombreux facteurs associés à la cyberintimidation font en sorte qu’il est encore difficile d’obtenir une définition unanime, si ce n’est qu’elle passe par des plateformes informatiques. En effet, les critères associés à l’intimidation traditionnelle sont : l’intention de blesser l’autre ; la prise de pouvoir dans le rapport de force entre l’agresseur et la victime ; et finalement la nature répétitive des comportements d’intimidation. Or, la cyberintimidation ne se limite pas à cette définition ni à ces critères.
En effet, certaines caractéristiques propres à cette problématique viennent changer la donne. Dans le contexte de la cyberintimidation, une différence majeure réside dans la capacité, pour ne pas dire dans la facilité, de diffusion, jumelée au caractère permanent des agressions. En effet, un seul commentaire publié sur les réseaux sociaux peut être partagé par n’importe qui et rapidement devenir viral lorsque repris autant par ceux qui veulent alimenter la haine que par ceux qui souhaitent dénoncer ou nuancer les propos inacceptables. Qui plus est, malgré les bonnes intentions des modérateurs et gestionnaires de réseaux sociaux qui tentent de limiter la portée de tels messages, une fois publiés, rien ne peut empêcher qu’une personne n’ait déjà pu « préserver » quelques-uns de ces commentaires – rien ne disparaît complètement d’Internet ! – laissant ainsi toujours planer la possibilité que toute photo ou commentaire ne réapparaisse à tout moment. C’est pourquoi, à première vue, le caractère répétitif n’est pas présent lorsqu’un intimidateur n’agit qu’à une seule occasion dans un événement précis. Cependant, les recherches démontrent que les expériences de victimisation vécues ainsi que les conséquences qui en découlent deviennent récurrentes en raison des messages qui sont partagés ou ” likés ” ensuite à plusieurs reprises.
Conséquences lourdes
Ce qui nous amène à aborder les conséquences pour les victimes. Pour ce faire, il suffit de se rapporter à l’entrevue que nous accordait Chantal Machabée l’automne dernier alors qu’elle nous racontait ce qu’elle avait elle-même vécu en matière de cyberintimidation pour avoir une idée des lourdes conséquences qu’engendre ce phénomène. « … cette réalité malsaine et néfaste n’avait pas sa place et ne devait plus être endurée et encore moins normalisée. Quand je repense aux conséquences et aux impacts négatifs sur ma famille et moi, ces attaques quotidiennes (des dizaines de messages par jour) étaient devenues lourdes à porter. »
En plus du caractère permanent lié à la cyberintimidation pouvant générer une forte dose d’anxiété et d’insécurité, il faut aussi considérer l’anonymat de ce type de violence comme un autre facteur très anxiogène. Ainsi, les recherches démontrent que les sentiments d’insécurité et d’anxiété sont décuplés par cet anonymat, puisque la victime doute d’abord de son entourage (amis, famille, connaissances, etc.) en se demandant si l’agresseur ne s’y trouve pas et se demande aussi qui dans son réseau pourrait avoir pris connaissance ou – pire encore – propagé ces malheureux commentaires. (Blaya, 2015).
Bref, comme vous le voyez, et comme Maxime Comtois l’a récemment dit : « La cyberintimidation est une menace présente. Personne ne devrait subir ceci. » Une citation qui trouve tout son sens et indique pourquoi cette problématique doit être prise au sérieux et pourquoi elle nécessite que l’on s’y attarde tout aussi sérieusement. Restez donc à l’affût de notre prochain blogue pour en savoir davantage.
En attendant cette prochaine parution, si vous ou quelqu’un que vous connaissez êtes aux prises avec une situation de cyberintimidation, n’hésitez-pas à contacter Sport’Aide, le Centre Cyber-aide ou l’une des ressources mentionnées ci-dessous.
Ressources
Références
Blaya, C. (2018). Cyberhate: A review and content analysis of intervention strategies. Aggression and Violent Behavior.
Cusson, M. (2006). La délinquance, une vie choisie. J.-M. Tremblay.
Debarbieux, É. (2008). Dix Commandements contre la violence à l’école (Les). Odile Jacob.
Gini, G., Card, N. A., & Pozzoli, T. (2018). A meta-analysis of the differential relations of traditional and cyber-victimization with internalizing problems. Aggressive behavior, 44(2), 185-198.
Tétreault, C. (2018). Jeunes connectés, parents informés. Midi Trente Éditions.