Il y a une dizaine d’années, je faisais partie de l’équipe nationale de nage synchronisée, maintenant appelée la natation artistique. Je m’entrainais à l’Institut National du Sport du Québec à Montréal, entre 40 et 50 heures chaque semaine. J’aimais ce que je faisais. Non, en fait J’ADORAIS la synchro puisque c’était plus qu’une passion. C’était TOUTE ma vie!
Puis les choses ont changé. J’ai commencé à vivre des moments difficiles à l’entrainement. On me disait que je n’étais pas assez mince. Pas assez grande. Pas assez comme les autres. Puis je me suis blessée. C’était avant de commencer à me remettre en question et douter de moi… pour finalement en arriver à me demander ce que je faisais là. Doutant alors de moi et de mes capacités, j’en suis venu à me dire que j’étais nulle, que j’étais faible. Bref, le cœur n’y était plus et je ne me sentais plus chez moi la piscine. Heureux comme un poisson dans l’eau dit l’expression? Pour moi, le bocal débordait et je voyais davantage mon sport pour tous les sacrifices qu’il m’imposait que pour l’expérience positive qu’il devait supposément m’apporter. Et c’est à ce moment que j’ai réalisé que c’était fini pour moi. Je devais tourner la page et – pour paraphraser Aznavour – quitter la table puisque l’amour y était desservi.
Mais lorsqu’un athlète décide de quitter son sport, peut-il le faire facilement du jour au lendemain?
Sans conséquence ni anicroche?
Est-ce possible de simplement passer à autre chose dans sa vie, sans s’y être préparé et sans se sentir dépassé? Malheureusement, et je ne vous apprendrai rien, la réponse est non, et ce, pour beaucoup trop d’athlètes. Et mon expérience personnelle en atteste.
Jusqu’à ce tournant dans ma vie, la seule chose qui me venait en tête lorsque je me présentais c’était de dire :
« Bonjour, moi c’est Anne-Marie, je suis nageuse synchronisée ».
Mais à partir du moment où la nage synchronisée ne faisait plus partie de ma vie, que devais-je dire?
…
Je ne le savais pas. Encore pire, je n’en avais AUCUNE d’idée. Je ne m’étais jamais posée cette question. Je ne m’étais jamais préparée au « après ». Probablement parce que je ne croyais pas que ce jour viendrait.
Ça m’en a pris du temps, (non pas des jours, des semaines ou des mois…) pour répondre à cette foutue question : « qui suis-je? ». Je ne savais pas par où commencer. Qu’est-ce que j’aimais d’autre? Est-ce que j’avais d’autres talents? D’autres passions? De quoi pourrais-je avoir envie? Avais-je d’autres ambitions? Allais-je pouvoir un jour me définir par autre chose que ma pratique sportive?
On sait tous que les transitions en général sont difficiles et nous mettent hors de notre zone de confort. Changer de ville, changer de travail, changer de fréquentation, changer de style de vie… Mais passer du statut de sportif à un statut indéterminé, ça aussi c’est une transition! Et une méchante grosse, laissez-moi vous le dire. Que vais-je faire de ces 50 heures libres maintenant? Je m’en vais où?
Directement dans un mur. C’est exactement le feeling qui m’habitait. Le sentiment de ne pas être en contrôle. Le sentiment d’avoir perdu mes repères bien présents depuis si longtemps. Perdre mes amies-coéquipières. Perdre mes habitudes de vie. Perdre ma discipline, mon unique passion. Déménager et retourner vivre chez mes parents. Outch!
J’avais l’impression d’être dans un film et de ne rien pouvoir décider de la suite pour le pauvre personnage égaré que j’étais devenu. Perdue et confrontée à cette même question qui me hantait sans cesse, qu’est-ce que je fais maintenant?
Qu’ai-je fait pour m’en sortir?
Je suis allée voir une psychologue. Elle m’a aidée à traverser ce moment difficile en me laissant un endroit pour vivre et comprendre mes émotions.
Je suis allée voir une conseillère d’orientation. Elle m’a aidée à mener des recherches sur les programmes d’études et sur les différentes professions. Elle m’a soutenue et guidée dans mes questionnements et dans ma quête pour me trouver un nouvel objectif de vie, une nouvelle flamme.
J’ai discuté avec d’anciens athlètes. Ils m’ont aidée avec leurs témoignages et leurs encouragements. J’ai compris que je pouvais vivre de belles choses, même si j’avais l’impression que tout était fini pour moi.
J’ai parlé de ma situation avec des amis, avec ma famille. Juste pour ventiler, juste pour me faire du bien.
Et puis, le plus important, je me suis donné un bon coup de pied au derrière. Ça ne pouvait pas demeurer ainsi et je devais faire quelque chose pour m’en sortir. Je devais le faire par moi-même et pour moi-même.
Aller chercher de l’aide, c’est ESSENTIEL, mais ce n’est pas tout. Nous avons ensuite un gros travail à faire sur soi pour arriver à s’en sortir. Ça aussi, c’est inévitable.
Pour ma part, je suis retournée à l’école. En sciences de l’orientation – belle ironie! J’ai essayé de nouveaux sports et loisirs pour retrouver une activité qui me plaisait. J’ai travaillé comme conseillère en emploi pour aider les gens à vivre leurs transitions professionnelles, – ironie numéro 2. Et enfin me voilà aujourd’hui avec l’équipe de Sport’Aide. Prête à faire tout ce que je peux pour promouvoir un sport sain et sécuritaire. Parce que le sport devrait toujours amener du positif! Même quand il se termine!
Vous vivez une transition difficile après avoir quitté votre sport?
Je ne peux pas vous dire que ce sera facile. En revanche, je peux vous ASSURER qu’il y a autre chose, que vous pouvez trouver du beau, même si c’est difficile à croire au début. N’hésitez pas à en PARLER, vous n’êtes tellement pas seul…