Prioriser le bien-être avant la performance, avec Jean-Paul Richard

Soutien automatique

En tant qu’ex-entraîneur de l’équipe canadienne de ski acrobatique et cofondateur de reROOT collectif, Jean-Paul Richard a éprouvé beaucoup d’empathie envers les entraîneurs de plongeon au début de la pandémie. Disons que les responsabilités d’un entraîneur qui prépare la relève et le sentiment d’être dans le dernier droit en préparation des Jeux olympiques ; il s’y connaît puisqu’il est passé par là plus d’une fois. Pouvant facilement se mettre dans leurs chaussures, il a voulu aider instinctivement. L’important pour lui était de soutenir la communauté sportive tout en reconnaissant et en intervenant afin de favoriser le bien-être des entraîneurs en cette période de grands bouleversements.

L’image du masque à oxygène, mentionnée dans le dernier article, a été le fil conducteur utilisé par l’ex-entraîneur pour créer une série de quatre ateliers consécutifs afin de faire comprendre aux entraîneurs l’importance de leur bien-être personnel. « Mon objectif était clair : accompagner les entraîneurs ; les soutenir dans leurs réflexions ; souligner comment il est important de prendre soin d’eux en temps de confinement et ; par le fait même, de leurs athlètes et de la communauté du plongeon. Je voulais cependant aller un peu plus loin avec cette image. Il est important d’avoir des consignes précises en cas de situation d’urgence, mais il est aussi important d’avoir un dispositif de soutien qui se déploie automatiquement, afin d’indiquer clairement que nous sommes en situation anormale et que nous avons besoin de prendre soin de nous et de nous soutenir les uns les autres. Notre proposition d’organiser quatre ateliers auprès des entraîneurs de Plongeon Québec, a été en quelque sorte le dispositif automatique déployé dans les avions », mentionne Jean-Paul.

Exploration collective

Lors de la première rencontre virtuelle, Jean-Paul a d’abord débuté par poser la question suivante : « Comment-allez-vous en ce moment? ». Une question simple, qui prenait cependant une autre signification en cette période de pandémie. L’ex-entraîneur de l’équipe canadienne de ski acrobatique souligne que lors du premier partage avec les entraîneurs, il a vu des entraîneurs passionnés, engagés et préoccupés pour le développement de leurs athlètes et qui sont tout de suite passés en mode solution. Comment ? En modifiant le format de leurs entraînements et en optant pour une alternative virtuelle afin de garder leurs protégés motivés.

Les séances ont été développées en s’appuyant sur les fondements de la théorie de l’auto-détermination qui avait notamment déjà été entamée par Jean-Paul et son collectif reROOT lors d’ateliers dans le passé. Certaines bases de la science de la motivation avaient donc déjà été discutées et analysées. La théorie s’explique de la sorte : c’est en soutenant les trois besoins psychologiques fondamentaux et universels de l’humain que l’entraîneur arrive à guider ses athlètes pour atteindre une motivation optimale, explique M. Richard : « Il y a le besoin de compétence, le besoin d’autonomie et le besoin d’affiliation sociale. En satisfaisant ces trois besoins psychologiques, l’individu augmente son degré́ d’auto-détermination et se dirige vers des motivations de sens (identifiées) et des motivations de plaisir (intrinsèques), ayant pour conséquence de créer un sentiment de bien-être et une fonctionnalité optimale chez l’individu en question. Négliger un ou plusieurs des trois besoins psychologiques produit l’effet opposé chez l’individu, notamment en diminuant sa qualité d’énergie et en faisant apparaître des motivations au niveau de l’ego (introjectées) et une attirance vers les récompenses (externes). Au final, l’individu aura des comportements sous-optimaux ainsi qu’une perte de bien-être et de performance ».

L’objectif ultime des ateliers consistait donc à outiller davantage les entraîneurs, afin que ceux-ci puissent s’adapter continuellement à cette nouvelle réalité remplie de nouveaux défis. Toujours guidé par les principes de la science de la motivation, Jean-Paul a voulu faire découvrir de nouveaux concepts à l’aide de réflexions individuelles et collectives. « Nous avons questionné certaines croyances et présomptions afin de développer de nouveaux automatismes, générer leur propre découverte et trouver leur propre solution, » explique Jean-Paul.

Être présent et conscient : la clé de l’adaptation continue

Jean-Paul rapporte que lors des premières discussions, ils ont tout d’abord échangé sur l’importance d’être présent et conscient afin de comprendre la situation présente dans toute sa complexité ; être conscient de ce qui arrive aux autres et autour d’eux, sans jugement ou réaction impulsive de leur part. Cette technique d’auto-conscience explorée à l’aide du concept de la courbe de changement de Kubler-Ross [1] a permis aux entraîneurs d’identifier où ils en étaient selon les différents stades de changement. Le but était de prendre conscience que, sans une qualité de présence, il peut être difficile de reconnaître que nous sommes dans un stade de déni, de colère ou de tristesse face aux nouveaux défis de cette nouvelle situation. C’est par des questions et des réflexions, que les participants ont été en mesure d’utiliser ces informations afin de comprendre leurs émotions et réactions face aux changements. Le fait de connaître ces indicateurs de changement a permis de prendre conscience de leurs sentiments et émotions, favorisant ainsi une ouverture d’esprit vers l’auto-compassion. Le processus consistait à amener les entraîneurs à se donner le droit de ne pas être parfait et à développer de la bienveillance envers eux-mêmes pendant cette période qui apporte son lot énorme d’ajustements. « Être conscient de ses propres sentiments et être bienveillant envers soi-même comme entraîneur permet de soutenir ses athlètes avec plus de compassion, à être plus emphatique et s’adapter continuellement aux changements et ainsi poser des actions tangibles pour cette nouvelle réalité. En prenant soin de nous, on prend mieux soin des autres, » explique le mentor de ce projet.

Redéfinir la direction par la qualité de notre motivation

Enfin, chaque entraîneur a été invité à identifier ses propres valeurs et intentions à propos de ses responsabilités et de son rôle en cette période incertaine. Du temps a été ainsi accordé pour en discuter afin que les entraîneurs puissent partager leurs réflexions personnelles avec les autres. « Aligner ses valeurs aux objectifs est une façon « tangible » de générer une énergie positive, s’adapter à la situation et prendre des décisions réfléchies qui nous aideront à relever les défis se dressant sur notre chemin, » souligne Jean-Paul.

Le travail consacré par Jean-Paul Richard et les entraîneurs à augmenter la qualité de leur présence, aligner leurs objectifs basés sur leurs valeurs et redéfinir leurs intentions a été prouvé scientifiquement que ces efforts positifs permettent de générer une qualité d’auto-régulation ; facteur qui joue un rôle extrêmement important sur la qualité de la motivation et qui est directement lié au bien-être et à la performance.

Pour être en mesure de maîtriser leur motivation, les entraîneurs ont été amenés à mettre en pratique les différentes notions apprises lors des derniers ateliers qui, par les cercles de coaching, ont permis de créer un espace pour s’entraîner à poser des questions, pratiquer l’écoute, s’ouvrir aux différentes perspectives de chacun et découvrir que la motivation est aussi une habileté à entraîner. Mentionnons que les cercles de coaching sont un espace d’échange et de co-développement où l’on peut explorer ses préoccupations avec ses pairs dans un environnement d’apprentissage sécurisant psychologiquement et émotionnellement.

Vous avez apprécié cet article ? Restez à l’affût pour la prochaine et dernière publication, où les entraîneurs de plongeon vous partageront des témoignages quant à leur expérience, en plus d’expliquer comment ils ont utilisé concrètement les outils mis à leur disposition.

[1] CEO Health + Safety Leadership Network, «Cycle de deuil selon Kubler-Ross», ˂http://www.ceohsnetwork.ca/blog/psychological-safety/how-leaders-can-support-employees-through-different-grief-loss-regret-experiences/#french˃, 8 mai 2020.

(…) Être conscient de ses propres sentiments et être bienveillant envers soi-même comme entraîneur permet de soutenir ses athlètes avec plus de compassion, à être plus emphatique et s’adapter continuellement aux changements et ainsi poser des actions tangibles pour cette nouvelle réalité. En prenant soin de nous, on prend mieux soin des autres.

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